Documentation professionnelle

11. Trésors musicaux, petits et grands : session de la Branche professionnelle des bibliothèques de recherche
présidée par Stanislaw Hrabia, Jagiellonian University, Cracovie

« Musica Claromontana » : la musique dans le plus grand sanctuaire marial de Pologne : attributions, formes, style, échange de répertoire
Aleksandra Patalas, Jagiellonian University, Cracovie

Le monastère a été, dans la première moitié du 18e siècle, le plus grand centre polonais de musique sacrée.
Les archives du célèbre sanctuaire marial de Jasna Gora (Clara Mons) comprennent environ 2000 manuscrits et imprimés représentant le répertoire exécuté au monastère au cours des 18e et 19e siècles.
Elles constituent la plus importante collection polonaise de documents musicaux de cette période et ont fait l’objet de recherches systématiques de la part de musicologues polonais au cours des dernières années.
Ces sources éclairent la tradition musicale locale sur une période de plus de deux siècles. Musica Claramontana contient des pièces d’origine diverses : certaines ont été composées en Pologne, mais la plupart proviennent d’autres pays européens.
Les recherches musicologiques portent actuellement sur plusieurs questions :

  • Les attributions fausses ou contradictoires
  • Les fonctions de la musique au sanctuaire
  • Les changements de style dans la musique d’église catholique dans l’Europe centrale du 18e siècle
  • Les pièces inconnues de compositeurs locaux, certains de réputation européenne (par exemple Marcin Josef Zebrowski)
  • L’échange de répertoire entre la Pologne et les pays voisins
  • Les compositeurs actifs à Jasna Gora

L’activité musicologique a débouché sur la publication de compositions choisies et de disques compacts, l’organisation de concerts et de conférences dont les actes seront publiés.
Le projet de numérisation de l’ensemble des collections est à l’étude.

Bibliothèque de la Société pour la promotion de la musique (Toonkunst Bibliothek) : la conservation et la promotion d’un trésor de l’édition musicale des 17e et 18e siècles.
Simon Groot, Bibliothèque universitaire d’Amsterdam

Nous regardons avec plaisir des films d’aventure où l’on recherche des trésors à l’aide de cartes obscures et d’indices mystérieux. Le chemin qui mène, un jour de pluie, de la gare à la bibliothèque, grâce une carte éditée sur internet, est, bien sûr moins attrayant. Néanmoins il pourrait bien mener à un trésor caché, dont la valeur intrinsèque pour un chercheur éclipserait l’or et les diamants des films d’aventure.
La conservation des collections musicales historiques est, bien sûr, fondamentale pour que les générations futures puissent accéder aux documents originaux. Néanmoins le souci de les préserver peut en entraver l’accès, donc les soustraire à l’attention du public et des autorités. C’est ce qui est arrivé aux collections de la Toonkunst Bibliothek au fil des années.
Les collections contiennent environ 20 000 partitions imprimées des 18e et 19e siècles.et composent le fonds de la bibliothèque de la Société pour la promotion de la musique fondée en 1829.
Il y a aussi plusieurs milliers de manuscrits de compositeurs hollandais du 19e siècle et du début du 20e siècle, donnés par les compositeurs eux-mêmes ou leurs proches, ainsi qu’environ 2000 partitions imprimées et manuscrites d’avant 1700 réunis par la Société royale d’histoire de la musique des Pays-Bas fondée en 1868 et émanant de la Société pour la promotion de la musique.
Enfin, la Toonkunst Bibliothek a constitué, au cours du 20e siècle une collection impressionnante de littérature musicale et d’éditions musicales scientifiques modernes.
Alors que la bibliothèque fut incroyablement active dans les années 1950 et 1960, connue de tout chercheur dans le domaine de la musique, elle devint confidentielle au cours des dernières décades en raison de facteurs multiples. Alors qu’en fait les collections continuaient à croître, leur réputation s’est ternie et le gouvernement même a perdu de vue la nécessité de leur préservation.
A mon arrivée à la tête du département scientifique de la Toonkunst Bibliothek, ma tâche principale fut de sortir de l’ombre ses collections. Les musiciens et musicologues contactés alors exprimèrent leur méconnaissance de ces fonds, les institutions se désengagèrent de leurs participations financières respectives, l’avenir de la bibliothèque paraissait bien sombre.
Heureusement, une solution satisfaisante a été trouvée : le fonds moderne de la collection a été vendu à la Bibliothèque publique d’Amsterdam et le fonds historique déposé à la Bibliothèque universitaire et je devins conservateur des collections musicales de la Bibliothèque universitaire d’Amsterdam.
L’urgence était alors de rendre ces collections accessibles en développant plusieurs stratégies :

  1. Etudiants
    • Etudiants des académies de musique
      Il faut les convaincre de l’importance pour leurs études de rechercher dans ces fonds un répertoire méconnu jusqu’alors pour composer des programmes originaux  en cessant  de penser  que la musique qui dort au fond des bibliothèques est forcément inintéressante. L’exemple de l’œuvre de Johann-Sebastian Bach est significatif, ainsi que l’exemple des musiques anciennes redécouvertes au 20e siècle. Il faut prendre les pépites et laisser le reste.
    • Etudiants en musicologie
      Ils peuvent travailler comme stagiaires. Cela permet de gagner du temps, de leur forger une expérience pour leur pratique professionnelle future et de drainer d’autres étudiants par le bouche à oreille qui pourront travailler sur les collections.
  2. Patrimoine sonore
    Une série de concert est organisée, où les matériels issus de la Toonkunst Bibliothek seront joués dans les lieux mêmes de leurs créations respectives. Le partenariat de l’Ecole de commerce d’Amsterdam permettra à leurs stagiaires d’étudier le montage financier et de rechercher les fonds.
    Les stagiaires de l’université feront des recherches sur les liens entre les lieux et les musiques de la collection, les étudiants de l’académie de musique composeront et exécuteront les programmes de concert.
  3. Expositions
    Les expositions sont une belle manière de faire sortir les collections, mais sans sous-estimer l’importance de l’accès permanent.
  4. Conférences et articles
    C’est enfoncer une porte ouverte que de rappeler l’importance de conférences ou d’articles pour faire connaître les collections. Elles peuvent même alors être considérées sous un angle nouveau : Amsterdam était au 17e et au 18e siècle le centre de l’imprimerie musicale en Europe. De nombreux compositeurs étrangers, comme Vivaldi, Corelli, Locatelli etc. ont vu leurs œuvres sortir des presses hollandaises.
    Les collections contiennent de nombreuses éditions de cette époque et cela reflète l’activité économique : achat de papier et d’encre, constructions d’équipements etc.
    L’aspect économique ou social de ces collections peut donc intéresser aussi un public hors champ musical, qui pourra alors avoir un rôle dans leur reconnaissance et leur sauvegarde.
    Plutôt que de produire des articles moi-même, je préfère inciter les scientifiques à choisir leurs sujets d’étude dans nos collections.
    La tâche principale du Conservateur de la Toonkunst collection  – maintenant Département des collections spécialisées de l’Université d’Amsterdam – est de préserver et de promouvoir ce qui est un trésor du patrimoine musical national.

Christiane Kriloff,
bibliothécaire à la Médiathèque Nadia Boulanger du CNSMD de Lyon

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