Documentation professionnelle

1. Sessions de la Branche professionnelle des archives et centres de documentation musicaux

Les collections russes à l’étranger : les liens avec la France

Session du mardi 29 juin

Les interventions de la première session de la branche des archives et centres de documentation musicaux ont choisi de souligner les liens très profonds existant entre la France et la Russie sur le plan musical. Ceux-ci se matérialisent par la présence de fonds d’archives concernant la Russie au sein de différentes institutions françaises. Ces fonds, donnés ou acquis au gré des circonstances, peuvent aussi avoir été constitués dans le cadre de manifestations musicales (concerts, programmes d’échanges scientifiques).

Les collections relatives aux Ballets russes de la Bibliothèque-musée de l’Opéra de Paris et du département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France.

Mathias Auclair, Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque-musée de l’Opéra de Paris
Pauline Girard, Bibliothèque nationale de France, département de la Musique

Les deux premières communications étaient centrées sur les collections ayant trait à la Russie conservées au département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France. En recourant à de nombreuses illustrations, Mathias Auclair a mis en évidence l’importance des fonds relatifs aux Ballets russes à la Bibliothèque-musée de l’Opéra. Il a décliné plusieurs sources d’enrichissements : documents et archives des saisons des Ballets russes versés par l’Opéra, fonds Rouché, fonds des Archives internationales de la danse (AID), fonds Kochno. Pauline Girard a ensuite présenté plus généralement les fonds concernant les Ballets russes et la Russie conservés au département de la Musique, en reprenant et actualisant l’état des lieux dressé par Catherine Massip dans deux articles, l’un paru dans Fontes artis musicae en 2006, l’autre dans le catalogue de l’exposition Ballets russes de la Bibliothèque-Musée de l’Opéra en 2009, ainsi que par Dominique Hausfater en 2002 lors d’une communication à la bibliothèque du Conservatoire de Moscou(1). Elle a insisté notamment sur la documentation conservée pour deux ballets créés par les Ballets russes : Les Biches de Francis Poulenc (1924) et La Chatte d’Henri Sauguet (1927). Les notices des correspondances de musiciens conservées au département de la Musique ont été récemment versées dans le catalogue général informatisé (http://catalogue.bnf.fr/) qui comprend donc, par exemple, celles de musiciens russes adressées à Nadia Boulanger, en premier lieu Stravinsky, mais aussi Serge Koussevitsky ou Nicolas Nabokov. Les fiches qui décrivent les autres collections font actuellement l’objet d’une rétroconversion, ce qui rendra en 2012-2013 la totalité des notices accessible via le catalogue général de la BnF. Le département de la Musique s’est enfin enrichi en 2008 d’une partie des archives du danseur Rudolf Nureev, couvrant les années 1962 à 1992, en cours d’inventaire, ainsi que du fonds Serge Moreux, en 2010, qui contient la correspondance du compositeur et secrétaire de Prokofiev Georges Gortchakoff.

Parmi les travaux en cours, la « partie russe » du fonds Montpensier – fonds de coupures de presse concernant la vie musicale en France provenant de l’Association française d’action artistique et  conservé au département de la Musique depuis 1948 – fait l’objet d’un inventaire par la musicologue russe Anna Petrova, dans le cadre du programme international « Profession culture » de la Bibliothèque nationale de France(2). Un inventaire des partitions russes, principalement soviétiques, de la bibliothèque musicale de Romain Roland a également été récemment rédigé par François-Pierre Goy.

Nadia Boulanger et la Russie : à propos des collections de musique russe à la médiathèque du Conservatoire de Lyon.

Christiane Kriloff, médiathèque Nadia Boulanger, Conservatoire national supérieur de musique de Lyon

Christiane Kriloff a fait un exposé sur les partitions publiées en Russie formant partie du fonds Nadia Boulanger conservé à la médiathèque du conservatoire de Lyon. Après un rappel de quelques éléments biographiques montrant l’attachement de Nadia Boulanger à la Russie – les origines russes de sa mère, ses tournées en Russie avec Raoul Pugno et son amitié avec Igor Stravinsky -, un panorama des éditions russes de musique a été proposé au travers de quelques exemples de partitions comportant annotations et dédicaces. Le fonds est en effet le témoin de la vitalité des éditeurs russes d’avant 1918 tels A. Gutheil, P. Jurgenson, V. V. Bessel, M. P. Belaieff et les Éditions russes de musique. Quelques éditions de l’époque soviétique sont également significatives et ont généralement été offertes à Nadia Boulanger soit lors de ses voyages à Varsovie ou Moscou, soit lors de visites de compositeurs à Fontainebleau. Le fonds comprend notamment des éditions d’œuvres de Stravinsky, annotées par Nadia Boulanger pour l’exécution.

The IRCAM-Moscow connections.

Michel Fingerhut, directeur de la médiathèque de l’IRCAM

Les relations entre l’IRCAM et la Russie ont débuté dès 1977 avec la programmation d’œuvres de Stravinsky et d’Edison Denisov au cours des manifestations Passage du XXe siècle (janvier-décembre 1977). En 1979, une exposition au Centre Pompidou, intitulée Paris-Moscou, a donné lieu à deux séries de concerts articulées autour des thématiques « La vie musicale en URSS de 1900 à 1930 » et « Alexandre Scriabine et ses contemporains ». D’autres concerts furent en outre consacrés à des compositeurs russes contemporains et d’Europe de l’Est. Dans les années 1980, plusieurs œuvres de compositeurs russes ont été jouées à l’IRCAM, sans toutefois entrer dans une thématique spécifique. En parallèle et tout au long des années 1990, les échanges avec les musiciens russes se sont poursuivis, concrétisés par la venue d’Edison Denisov en 1991-1992. Des résidences de compositeurs, des concerts et des échanges scientifiques ont ensuite scellés ces liens qui se poursuivent actuellement par la présence d’étudiants russes à l’IRCAM. La trace de toutes ces activités se retrouve dans les archives de la médiathèque de l’IRCAM, en particulier les programmes des manifestations. La plupart des archives sonores et programmes de concerts sont consultables en ligne sur le portail de la musique contemporaine (http://www.musiquecontemporaine.fr/).

Archives perdues et retrouvées

Session du jeudi 1er juillet

La seconde session de la branche comportait trois interventions mettant en valeur différents aspects du traitement et de la mise en valeur de fonds d’archives, depuis la recherche et la collecte de documents « perdus » jusqu’aux actions menées pour mieux signaler et faire connaître les fonds.

In search for the lost manuscripts of M. K. Ciurlionis.

Darius Kucinskas, Université de Kaunas (Lituanie)

Les manuscrits musicaux du compositeur et peintre M. K. Ciurlionis (1875-1911) ont été dispersés, de même que ses œuvres picturales. Les recherches effectuées depuis 15 ans pour retrouver des archives de l’artiste lituanien le plus célèbre, permettent de mieux appréhender les pertes ou les lacunes dans ses manuscrits musicaux. Le catalogue des œuvres du compositeur, récemment édité (3), constitue une première tentative pour répertorier l’ensemble des manuscrits. Des recherches complémentaires sont en cours pour tenter de redécouvrir certaines œuvres, en se basant notamment sur des témoignages, des souvenirs, publiés ou non de ses contemporains, de même que des entretiens avec ses proches. D’autres recherches effectuées dans des musées ont permis de collecter des sources. Des hypothèses de recherche des lieux possibles de conservation des manuscrits musicaux perdus de Ciurlionis ont été formulées. L’an passé, la peinture de l’artiste intitulée « Andante » (Sonata of Piramids), perdue, a été découverte aux Pays-Bas. Cette découverte permet de garder l’espoir de retrouver également ses manuscrits musicaux.

Discovering Alessandro Casagrande through his collection at the Archivio di Stato of Terni.

Attilio Bottegal, Institut ArtEZ, Enschede en Zwolle (Pays-Bas)

Attilio Bottegal a présenté la collection musicale du compositeur et pianiste Alessandro Casagrande (1922-1964) dont il a effectué le traitement au moment de son transfert aux archives d’État de Terni (Italie). Durant sa vie relativement brève, Casagrande a composé des œuvres relevant de différents genres musicaux : musique pour piano, musique de chambre et vocale, mais aussi musique de ballet et de film, œuvres vocales sacrées avec orchestre. La collection musicale du compositeur est le reflet de cette activité. Son contenu, à la fois de nature archivistique et bibliographique, a été classé en quatre catégories : manuscrits musicaux (autographes et copies de presques toutes ses compositions) ; la bibliothèque (éditions musicales, livres et périodiques concernant la musique) ; documents d’archives (correspondance, écrits, affiches, notes de programmes) et ressources sonores (bandes magnétiques et vinyles). Une évaluation de l’état de conservation du fonds reste à effectuer avant que les documents puissent être mis à la disposition du public.

ILAM’s archival revitalisation : the past 10 years at the International Library of African Music.

Fiona Still-Drewett, Université de Rhodes, Grahamstown (Afrique du Sud)

Pour faire suite à la présentation en 2008 par Santie de Jongh de la base de données DOMUS (http://www.domus.ac.za/) qui recence les fonds musicaux en Afrique du Sud, Fiona Still-Drewett a exposé les actions menées ces dernières années par l’ILAM (International Library of African Music). La bibliothèque, créée en 1954, conserve des enregistrements, des publications sur la culture musicale de l’Afrique sub-saharienne ainsi qu’une collection de 324 instruments. Elle joue également un rôle important dans l’enseignement de la musique africaine et est à l’origine de nombreux travaux ethnomusicologiques. En 2005, l’ILAM a été rattaché au département musique et musicologie de l’Université de Rhodes à Grahamstown. En 1999, un projet de numérisation des enregistrements sonores a été entrepris. En 2006, Diane Thram a été nommée directrice de l’ILAM avec pour ojectif le développement du travail d’archivage et de signalement des collections. En 2007, le catalogage d’enregistrements de chansons, de collections de photographies et de films a été initié, de même que la numérisation de certains documents : 1000 images sont maintenant consultables sur le site web de l’ILAM (http://www.ru.ac.za/ilam). En 2008, l’ILAM a obtenu diverses subventions pour continuer le travail de numérisation des enregistrements sonores (provenant notamment de la collection de Hugh Tracey, fondateur de la bibliothèque) qui devrait s’achever en 2011. Par ailleurs, l’ILAM a recommencé à publier en 2007 le périodique African music, après une interruption de sept ans. L’ILAM joue enfin un rôle déterminant dans la promotion de la musique traditionnelle en offrant la possibilité à des musiciens d’effectuer des enregistrements en studio et des concerts, et en suscitant des partenariats pour développer la recherche et l’enseignement de la musique africaine.

Groupe de travail AMA (Access to Music Archives – Accès aux archives musicales)

(2 séances de travail le lundi 28 juin après-midi et le vendredi 2 juillet matin)

Plusieurs projets de répertoires nationaux d’archives musicales ont été présentés lors des deux séances du groupe de travail. Ces projets nationaux, subventionnés par des fonds publics, montrent un intérêt croissant de la part des institutions pour le signalement des collections d’archives musicales. Ainsi, en Espagne, un projet de signalement des archives musicales a été récemment initié avec le soutien du ministère de la Culture et la participation de la Bibliothèque nationale d’Espagne. Federica Riva, présidente du groupe italien, a fait par ailleurs un exposé sur le guide des archives musicales du 20e siècle et contemporaines, mis en ligne en décembre 2009 (http://80.241.231.187/archivimusicali/index.html). Ce guide est le fruit d’une collaboration entre la Direction générale des archives, La Stravaganza (http://www.lastravaganzamusica.it) et le BAICR Sistema Cultura (http://www.baicr.it). 43 institutions font actuellement partie du projet (Archives d’État, archives locales, fondations et autres institutions publiques et privées). 95 fonds ont déjà été décrits dans la base de données. Une version anglaise du site est en préparation.
Jon Bagues, responsable du groupe, a établi une comparaison entre les notices d’enregistrement des différentes bases nationales afin d’établir une grille des champs de l’ISAD(G) utilisés pour décrire les fonds. La mise en place de plusieurs bases nationales pour la description des fonds d’archives musicales soulève plusieurs questions au sein du groupe sur la stratégie à adopter : quel rôle le groupe AMA peut-il en effet jouer pour assurer la compatibilité des notices entre les différents projets ? Faut-il soutenir plus activement la création de bases nationales et mettre en place un portail commun de recherche entre ces différentes bases, accessible sur le site de IAML ? N’y a-t-il pas lieu de se rapprocher d’autres projets comme le RISM qui fédère également les données de plusieurs bibliothèques ?

Comité de programmation
« In Mozart’s words »

(session du 30 juin)

Patrizia Rebulla, Castaliamusic
Maria Majno, European Mozart Ways
Cliff Eisen, King’s College (Londres)

Le projet de constituer une base de données de la correspondance de Mozart a débuté en 2006 avec la création du Comité « Le Vie italiane di Mozart » financé par le Ministère de la culture italien et le soutien de la ville de Milan (notamment pour le développement informatique). Il a été depuis inscrit dans le programme « Support to Cultural Bodies Acting at a European level » de l’Union européenne. Le site (http://www.mozartways.com) se propose de mettre en ligne la correspondance de Mozart dans une version annotée. Un premier corpus de lettres est déjà accessible en langue originale avec traduction en anglais, français et italien. Différents index (noms, lieux, œuvres) complètent les possibilités de recherche. L’objectif de ce portail est de faciliter l’accès de ce corpus aux étudiants et chercheurs. Des partenariats avec d’autres institutions sont développés afin de proposer des liens vers des contenus complémentaires (partitions numérisées, bases de données de correspondances). Parmi les partenaires associés au projet, ont déjà proposé leur contribution : Internationale Stiftung Mozarteum (Salzbourg), Castaliamusic Milan / Bruxelles, Mozarthaus (Vienne) et l’Institut Da Ponte (Vienne), la Fondation Royaumont et des éditeurs (Flammarion pour l’édition française de la correspondance et Saggiatore pour l’édition italienne).

La session du 1er juillet proposait deux communications sur les fonds musicaux russes.

Collections du Musée Glinka (Moscou).

Environ un million de documents et plus de 3000 instruments sont conservés dans le musée créé en 1912. Les collections du musée sont organisées en plusieurs salles présentant des instruments de musique traditionnelle de différents pays et des instruments de musique occidentale (violons de Stradivarius, clavecins, pianos et instruments modernes). Par ailleurs, un parcours historique sur la musique russe rassemble des documents autour de compositeurs (Glinka, Rimsky-Korsakov, Tchaikovsky ou Rachmaninov par exemple) ou par thème (musique soviétique). Le musée cherche à promouvoir ses collections par sa participation à des expositions et conférences en Russie et à l’étranger. Une attention particulière est donnée aux programmes consacrés aux jeunes enfants. Une petite salle de concerts permet de faire entendre des musiques de différents pays.
Le fonds des archives contient plus de 400 000 documents et celui des documents imprimés plus de 175 000 (livres, partitions imprimées, programmes, etc.). Les collections iconographies sont riches de plus de 100 000 documents et les collections audiovisuelles de plus de 85 000 documents. Depuis plusieurs années, des travaux scientifiques ont été menés sur ces collections permettant l’identification de nombreuses pièces ainsi que la publication d’inédits de compositeurs (Rachmaninov, Borodine, Glinka…).

Les manuscrits musicaux de la bibliothèque Taneiev du Conservatoire de Moscou et l’apport des nouvelles technologies.

Irina Brezhneva, responsable des documents rares de la bibliothèque Taneiev du Conservatoire de Moscou
Irina Brezhneva a fait une présentation en français des collections manuscrites de sa bibliothèque. Depuis plus de 140 ans, la bibliothèque s’est enrichie de manuscrits (partitions, archives) de périodes et de styles différents. La plupart des manuscrits musicaux datent de la seconde partie du 19e siècle. Une tradition de dons de manuscrits par les professeurs du Conservatoire existe depuis les origines, à l’exemple de Rubinstein. La Société musicale russe a également donné un ensemble de partitions et parties d’orchestre comportant des annotations et corrections. Parmi les nouvelles entrées, un don de la compositrice Sofia Gubaidulina est à signaler. Récemment, un important travail de signalement et de numérisation a été développé. La bibliothèque collabore depuis 35 ans pour le RISM et prépare un programme d’informatisation de ses notices dans le nouveau système de catalogage de la bibliothèque. Parallèlement, la priorité a été donnée ces cinq dernières années à la  numérisation. Ainsi, un lien pourra être établi entre la notice et le document numérisé. Dans le système informatique est prévue la possibilité pour les lecteurs de signaler les erreurs contenues dans les notices.

présidées par Marguerite Sablonnière
Bibliothèque nationale de France, département de la Musique


  1. MASSIP (Catherine), « Russian archives in the collections of the Music Department of the Bibliothèque nationale de France », dans Fontes artis musicae, juillet-septembre 2006, p. 226-232. MASSIP (Catherine), « À propos de quelques sources musicales pour les Ballets russes conservées au département de la Musique », dans Les Ballets russes, sous la direction de Mathias Auclair et Pierre Vidal, Montreuil : Gourcuff Gradenigo, 2009, p. 45-48.
  2. Les fonds musicaux concernant la Russie à la Bibliothèque nationale de France ont fait l’objet de dépouillements entrepris par des étudiants russes dans le cadre de la vaste enquête menée par la bibliothèque du Conservatoire de Moscou sur les musiciens russes à l’étranger, sous la direction d’Irina Brezhneva (département des manuscrits et documents rares) et en collaboration avec l’École nationale des Chartes et la Bibliothèque nationale de France. On pourra consulter à ce propos l’article de Cécile Roger paru (en russe) dans : [Russkie muzykal’nye arhivy za rybežom ; zarubežnye muzykal’nye arhivy v Rossii : materialy meždunarodnyh konferencij. Vypusk 5], 2010. 
  3. Kucinskas (Darius), Chronologinis Mikalojaus Konstantino Ciurlionio muzikos katalogas, 2007
    (réédité en 2008). 
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