Documentation professionnelle

5. Spécifications fonctionnelles des données d’autorité

En 1998 l’IFLA publie le rapport final sur les FRBR. Ce rapport met en lumière le besoin « …d’étendre le modèle afin de couvrir les données d’autorité ». Un an plus tard l’IFLA prend l’initiative de créer un groupe de travail sur les Fonctionnalités requises et la numérotation des notices d’autorité (FRANAR) avec les objectifs suivants :

  • définir les fonctionnalités attendues des notices d’autorité et établir un modèle conceptuel de référence pour les notices d’autorité ;
  • étudier la faisabilité d’un Numéro international normalisé pour les données d’autorité (ISADN) ;
  • servir de liaison officielle entre l’IFLA et les autres communautés intéressées par les données d’autorité en dehors des bibliothèques.

Le groupe FRANAR s’engage ainsi dans l’élaboration d’un modèle conceptuel pour les notices d’autorité, sur les traces des FRBR. En 2005 le modèle est diffusé pour enquête internationale sous le nom FRAR : Functional Requirements for Authority Records.

Les données d’autorité sont l’exemple même de données susceptibles à être partagées par plusieurs communautés. Nombreux sont les organismes qui en produisent et qui en gèrent, tant dans le domaine culturel et patrimonial que dans le domaine commercial ou celui de la gestion des droits. Échanger avec d’autres communautés s’impose dans le contexte actuel de développement de réseaux d’information. Aussi, le Groupe a-t-il établi des contacts et des collaborations avec la communauté des archivistes, des musées et des gestionnaires de droits. La prise en compte de leurs approches spécifiques dans le traitement des données d’autorité a contribué à donner une ouverture certaine au modèle conceptuel FRAR. Réciproquement, il est réjouissant de voir que les réflexions du groupe FRANAR ont pu influencer les travaux des autres communautés en matière d’autorités, comme cela a été le cas de la Norme internationale sur les notices d’autorité archivistiques – ISAAR(CPF) élaborée par le Conseil international des Archives(1).

L’idée d’un Numéro international normalisée pour les notices d’autorité (ISADN) est née il y a au moins vingt-cinq ans et n’a cessé de séduire les créateurs et gestionnaires des données d’autorité. Malgré l’attirance irrésistible d’un éventuel identifiant unique, reliant les données relatives à une personne données (ou une collectivité, etc.), à travers toute base de données dans le monde, les travaux du groupe ont conduit à la conclusion que la conception et la réalisation d’un tel identifiant poserait des problèmes dont l’ampleur serait difficile à mesurer. De plus, l’évolution des technologies de traitement d’information présente aujourd’hui des possibilités de réaliser des projets permettant le rapprochement des données d’autorité de provenances diverses, sans avoir besoin de recourir au concept d’identifiant unique.

Notons également que, depuis que le Groupe de travail a commencé ses travaux, des changements se sont produits au niveau international dans la conception des données d’autorité et de leur utilisation. Le plus significatif de ces changements est l’idée que la fonction du contrôle d’autorité peut ne pas être portée par une seule forme d’entrée unique identique partout dans le monde pour une même entité, mais que ce rôle peut être rempli par n’importe laquelle des éventuelles formes multiples coexistantes pour une même entité, en fonction du contexte de son utilisation et des besoins de son utilisateur. Ces changements ont nécessairement eu un impact dans les travaux du groupe.

A présent, examinons de plus près le modèle FRAR :
Une notice d’autorité est le résultat d’un certain nombre d’opérations et a une finalité. Comprendre et analyser ce processus en amont et l’utilisation de son produit en aval, permet de poser les questions qui vont conduire à la distinction des éléments de données d’une notice d’autorité et à l’articulation de ces éléments entre eux.

D’une part, le besoin de comprendre préalablement pourquoi les catalogueurs intègrent telle ou telle information dans une notice d’autorité et pourquoi cette intégration ne se fait pas de n’importe quelle façon, a conduit à définir les fonctions des notices d’autorité. D’autre part, le besoin de savoir comment et à quelle fin les informations intégrées dans une notice d’autorité sont utilisés par ses utilisateurs multiples, a conduit à définir les tâches effectuées par les utilisateurs des données d’autorité.
Le Groupe de travail a ainsi identifié cinq fonctions que doivent remplir les fichiers d’autorité :
Le fichier d’autorité documente les décisions du catalogueur lorsqu’il établit les points d’accès à utiliser dans le catalogue et les renvois associés à ces points d’accès. Les sources et autres informations que le catalogueur juge utile d’y inclure pour permettre l’identification de l’entité servent également à remplir cette fonction.
Il sert d’outil de référence au catalogueur pour le choix des points d’accès à intégrer dans la notice bibliographique mais aussi pour effectuer des opérations de vérification de natures différentes ; les informations contenues dans le fichier d’autorité peuvent permettre au catalogueur de distinguer les homonymes, de constater qu’aucun des points d’accès existants dans le catalogue ne convient et qu’il faut donc créer un nouveau point d’accès, etc.
Le fichier d’autorité sert au catalogueur à contrôler la forme des points d’accès à afficher dans les notices bibliographiques mais aussi la forme des renvois au sein du fichier d’autorité lui-même.
Il facilite l’accès au fichier bibliographique à travers le jeu des renvois.
Et enfin, dans un environnement automatisé, il peut servir à réaliser les liens entre les fichiers bibliographiques et d’autorité. On peut même envisager qu’il puisse, par exemple, permettre au catalogueur de choisir la variante de forme d’un nom à afficher dans les notices bibliographiques.
En listant ces fonctions, les membres du Groupe ont essayé de tenir compte non seulement des utilisations effectives des notices d’autorité dans les bibliothèques, mais aussi des techniques mises en œuvre pour permettre ces utilisations, que ce soit dans un univers informatisé ou non.

Le Groupe a également défini quatre tâches utilisateurs : Trouver, Identifier, Contextualiser (ce qui fait l’objet de données d’autorité) et Justifier (les choix du créateur de la notice d’autorité). Ces taches ont été définies en ayant à l’esprit deux types d’utilisateurs des données d’autorité :

  • les créateurs de notices d’autorité et les bibliothécaires qui créent, gèrent et consultent directement les fichiers d’autorité ;
  • les lecteurs, qui utilisent les informations contenues dans les fichiers d’autorité soit par accès direct à ces fichiers, soit indirectement par le biais des points d’accès (c’est-à-dire, les formes retenues et les renvois) dans les catalogues de bibliothèques, les bibliographies nationales, etc.

Au fil du temps, le contexte d’utilisation des fichiers d’autorité a évolué. Avec l’entrée en jeu du lecteur comme utilisateur effectif des données d’autorité, le fichier d’autorité a cessé d’être un simple outil de gestion, utilisé uniquement par les professionnels des bibliothèques, il est devenu un outil de référence et d’aide à la recherche ; le lecteur s’en sert pour levers les ambiguïtés lors des ses recherches.

Petit rappel de méthodologie

Le modèle FRAR est considéré comme une extension du modèle FRBR aux données d’autorité et utilise, par conséquent, la même méthode de modélisation que ce dernier : la méthode entités/relations. Cette méthode consiste à définir, à un niveau abstrait, les « objets » dont on a besoin dans un contexte donné (les entités), à distinguer les caractéristiques (attributs) propres à ces entités, et à définir les relations que ces entités entretiennent entre elles. Les membres du Groupe ont également procédé à une mise en relation entre, d’un coté chacun des attributs et chacune des relations définies et de l’autre coté les quatre tâches utilisateur auxquelles doivent répondre ces attributs et ces relations au sein d’une base de données bibliographique.
En ce qui concerne la relation d’une entité par rapport à ses fonctions dans un catalogue, il a paru évident d’adopter l’approche ontologique qui s’attache à la nature intrinsèque de l’entité et non pas à ses éventuelles fonctions. Une entité ne peut avoir, par conséquent, qu’une et une seule notice d’autorité, quel que soit le rôle joué par cette entité dans le catalogue, l’entité est ainsi dissociée de ces fonctions. L’attribution des fonctions se fait selon les besoins.

Le modèle FRAR prend comme point de départ les dix entités définies par le modèle FRBR : personne, collectivité, œuvre, expressions, manifestation, item, concept, objet, évènement et lieu, auxquelles il ajoute l’entité famille (fruit de collaboration avec la communauté des archives). Ces 11 premières entités, on les appellera « substantielles » pour les besoins de cette présentation, car elles portent sur les « choses » (au sens générique du terme) qui font l’objet des notices d’autorité. Les membres du Groupe soulignent que les entités qui font l’objet de ce modèle sont de nature bibliographique. « En tant que telles elles reflètent des constructions intellectuelles ou des concepts qui font partie intégrante des règles utilisées pour élaborer les catalogues de bibliothèques, et ce qui est considéré comme une instance particulière d’une entité donnée peut varier d’un corpus de règles à l’autre. »
Les entités sont reprises du modèle FRBR, elles conservent donc les mêmes définitions. Seulement il faut garder à l’esprit qu’elles sont considérées du point de vue « autorité » ; c’est leur nature intrinsèque qui prime ainsi que les caractéristiques qui leurs sont propres et non pas leur comportement dans la notice bibliographique. C’est ainsi que dans le modèle FRAR le nombre des attributs pour chacune des entités originaires des FRBR, est revu, tantôt à la baisse, tantôt à la hausse pour une meilleure adéquation avec l’entité caractérisée. Par exemple, une Personne n’est pas seulement caractérisée par des dates(biographiques) et par un titre (attributs retenus par les FRBR pour l’entité Personne) mais aussi par sonsexe, des lieux qui on marqué son existence (naissance, mort, résidence), un/des pays qui lui sont associés (ex. de nationalité, etc.), son affiliation, son adresse, la langue qu’elle utilise dans son activité créative,…etc. ; un Lieun’a pas seulement un nom (seul attribut retenu par les FRBR pour l’entité Lieu) mais il est considéré comme une entité géographique caractérisée par des coordonnées. Il est également intéressant d’observer que le modèle FRAR change parfois de position par rapport au modèle FRBR. Par exemple, dans le modèle FRBR l’attribut « langue » appartient à l’entité Expression et non à l’entité Œuvre (ce n’est pas L’avarede Molière qui est en français, mais le texte original de cette œuvre…). Or, dans le modèle FRAR la «langue originelle » est retenue comme attribut de l’entité Œuvre.

Le modèle FRAR définit également cinq autres entités de nature « instrumentale » ; ce sont des éléments permettant le bon fonctionnement des fichiers d’autorité et assurant le lien entre ceux-ci et le fichier bibliographique. Ces entités sont : les Noms sous lesquels les instances particulières des entités substantielles sont connues, les Identifiants pouvant être affectés à ces entités, les Points d’accès établis pour ces entités (en utilisant les noms et les identifiants) et enregistrés dans le fichier d’autorité, les Règlesutilisés pour l’établissement de ces points d’accès et les Agences ayant fixés ces règles. Le choix de faire duNom, de l’Identifiant et du Point d’accès des entités à part entière relève du rôle clé de ces éléments dans les fichiers d’autorité. Notamment, le Point d’accès permet de mettre en avant les fonctions de contrôle assurées par une notice d’autorité, il assure le lien entre une notice d’autorité et une notice bibliographique, entre notices d’autorité à travers les renvois et entre la vedette et les variantes de forme.

Le schéma ci-dessous résume justement le sens des relations intrinsèques entre les différentes entités définies par le modèle FRAR.

Relations entre les entités définies par le modèle FRAR

La réflexion sur les notices d’autorité dans le monde des bibliothèques s’appuie sur une longue pratique de catalogage. Cependant, les documents de référence de l’IFLA, parus à ce sujet avant le présent effort de modélisation(2), ne concernent que quelques aspects isolés de l’utilisation des fichiers d’autorité sans se pencher sur l’analyse des concepts et des pratiques les mettant en œuvre. C’est en cela que le modèle FRAR constitue la première initiative d’expliciter l’univers des autorités pour une compréhension commune du fonctionnement des fichiers d’autorité. De plus la démarche de modélisation choisie s’inscrit dans la nouvelle réflexion sur le catalogage, privilégiant l’analyse par élément de données, telle qu’elle est en œuvre dans l’élaboration des nouveaux principes internationaux de catalogage.


  1. Les remarques du groupe FRANAR ont eu un impact sur la deuxième édition de la norme ISAAR(CPF), parue en 2004.
  2. MLAR (Mandatory data elements for internationally shared resource authority records, 1998) définit la liste des éléments de données obligatoires à des fins opérationnelles d’échange de fichiers d’autorité, et GARR (Guidelines for authority records and references, dont la deuxième édition révisée date de 2001), se focalise sur les aspects de l’affichage des vedettes et des renvois des autorités.

Anila Angjeli
Bibliothèque nationale de France

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