Documentation professionnelle

10. La chanson française au Département de l’audiovisuel de la Bibliothèque nationale de France

Une institution avec des enregistrements inédits et commerciaux

Les Archives de la parole créées en 1911 par le linguiste Ferdinand Brunot deviennent en 1928 le Musée de la Parole et du Geste. Des missions de collectage en province permettent d’enregistrer des parlers régionaux et donc déjà beaucoup de chansons françaises.
L’institution prend le nom de Phonothèque nationale en 1938. Lui est déléguée la mission de dépôt légal de l’enregistrement sonore. Elle intègre la Bibliothèque nationale en 1977 et est connue désormais sous le nom de Département de l’audiovisuel, en charge du dépôt légal du disque, mais aussi de la vidéo et du multimédia. Tous les documents audiovisuels mis à la disposition d’un public en France doivent y être expédiés en deux exemplaires et y sont décrits, conservés et mis en valeur. Des acquisitions rétrospectives et contemporaines (chansons acadiennes, cajun…) complètent ces collections qui se montent à un million de références. La musique, et donc la chanson, en sont un point fort.

Des supports qui influent sur la forme « chanson »

Longtemps la chanson n’a pas connu de forme éditée. Elle se transmettait de façon orale jusqu’à ce que des entreprises de transcriptions, dès le XVème siècle, en dresse des recueils (La clé du chansonnier, La clé du caveau…) et qu’elle circule à travers les gazettes colportées dans le pays et par les « petits formats » distribués par les chanteurs de rue. A l’arrivée de l’enregistrement sonore, vers 1895, la chanson doit s’adapter aux durées maximum permises par le cylindre, le disque 78 tours, c’est-à-dire rarement plus de quatre minutes. Néanmoins et aussi à cause du rendu qualitatif, on enregistre beaucoup plus de couplets de chansons que de musique symphonique. Vers 1925, l’enregistrement électrique améliore notablement la qualité sonore, alors que la généralisation du microphone sur scène et pour l’enregistrement, transforme les auditeurs en confidents d’un interprète qui n’est plus obligé de « hurler » pour se faire entendre. Dans les années 1930, le cinéma parlant s’appuie beaucoup sur la chanson de même, que la radio.
Début 1950, le disque microsillon (puis la stéréo) permet une meilleure qualité technique et donne la possibilité de diffuser des récitals entiers de chanson (en 1952, le récital de l’Etoile de Charles Trenet, deux 33 tours 25 cm). Le 45 tours qui se généralise permet de publier de très nombreuses chansons tandis que le travail de studio est facilité par l’arrivée de la bande magnétique, qui autorise les montages entre différentes prises de son. Le compact-disque étend encore la capacité : on peut maintenant faire figurer sur un support une vingtaine de chansons…
La chanson de variété doit beaucoup à la télévision. De plus, l’émergence du vidéoclip dans les années 1980 lui donne une nouvelle jeunesse : la petite histoire que raconte souvent une chanson est traduite en images.

La chanson au dépôt légal

Il convient de rappeler que le dépôt légal concerne tous les supports (dont les formats courts : 45 tours single ou juke-box comme « artistique » ou EP, cassettes audio), toutes les formes d’édition (commerciale comme autoproduction ou compte d’auteur), tous les modes de diffusion (promotion, publicité, hors commerce, vente par correspondance). Par ailleurs, de plus en plus, la chanson se diffuse via les supports vidéos.
Il y a vraisemblablement autour d’un million de chansons différentes dans les collections du Département de l’audiovisuel (on peut estimer à entre 15 000 et 20 000 le nombre de titres qui entrent chaque année dans les collections). Certaines figurent au catalogue en des milliers d’interprétations différentes.

Les catalogues et leurs limites

Si tous les disques de chansons figurent dans la base Opale-plus http://catalogue.bnf.fr/
et sont présentés tous les deux mois dans la Bibliographie nationale française / Audiovisuel http://bibliographienationale.bnf.fr/, il n’a pas toujours été possible de tout temps de recenser précisément tous les titres des chansons ainsi que leurs paroliers et compositeurs. A certaines époques, les effectifs de catalogueurs le permettaient ; à d’autres, non. C’est pourquoi, il convient d’être très prudent, de croiser les critères d’interrogation et de passer par l’intermédiaire de la collection des catalogues de marque phonographique (et autres « feuilles de nouveautés ») conservée au département pour se donner les meilleurs chances de repérer un morceau, surtout si l’on ne dispose que d’un titre approximatif et en l’absence d’un nom d’interprète. Le nom de la marque, suivi du numéro dans la marque sont les moyens les plus sûrs d’identifier un enregistrement sonore. Un passage par les fichiers et les collections du Département de la musique peut s’avérer utile.

Documentation complémentaire

De la même façon, on peut avoir recours à des discographies, notamment celle de Jean-Claude Coulié (voir plus bas), ainsi que celles publiées par les magazines Je chante !, Chorus, Juke-Box Magazine, Platine…Internet, à travers les sites de vente aux enchères (comme eBay, Aucland…) et les fan-clubs « numériques » rend également de grands services.
Sur la méthodologie, on lira avec profit l’article d’Yves Borowice (voir bibliographie), qui souligne l’importance qu’il y a à écouter attentivement les enregistrements : il peut y avoir des variations, des modifications plein de sens par rapport à la musique et aux paroles figurant sur les partitions.
Depuis 8 ans, un séminaire interdisciplinaire consacré à la chanson se tient le vendredi soir de 16 heures à 19 heures à l’Université de Paris I–Panthéon Sorbonne, sous la direction de Christian Marcadet. Le programme figure dans le bulletin (Le petit Format) et sur le site du Centre de la chanson http://www.centredelachanson.com/. Le site du Hall de la chanson, autre association, recèle aussi des ressources documentaires importantes, notamment un inventaire des lieux où est conservée la documentation sur la chanson française http://www.lehall.com/

La valorisation

Le Département participe à différentes opérations de valorisation dans ce domaine (les « popular music studies » en sont encore en France à leurs balbutiements). En 2004, en collaboration avec les autres départements de la BnF concernés, une grande exposition a été montée sur le site Tolbiac-François-Mitterrand (« Souvenirs, souvenirs… Cent ans de chanson française »), en même temps qu’étaient publiés un numéro de la Revue de la BnF et un volume de la collection Découvertes-Gallimard. Parallèlement s’est tenu un colloque (La chanson française : hommage à Jacques Canetti) ainsi que des entretiens avec des professionnels de la chanson (Les mercredis de la chanson), dont les enregistrements sont consultables dans les salles B et P de la bibliothèque. Le département et ses ressources « chanson » sont souvent sollicités pour des manifestations à l’intérieur (expositions La mer, La photographie humaniste…) comme à l’extérieur de l’établissement (exposition Travelling guitar à la Cité de la musique…) Des brochures sont publiées pour mettre en valeur un fonds spécial (Exposition coloniale 1931) ou un angle particulier (Les chansons d’écrivains) Les signets de la BnF http://signets.bnf.fr/html/categories/c_780chanson.html recensent un dizaine de sites Internet recommandables, dans le domaine de la chanson.

Services à distance

Au service des documents sonores du Département de l’audiovisuel, parviennent tous les jours un certains nombre de demandes d’information (courrier, téléphone, télécopie, courrier électronique…). Beaucoup concernent le domaine de la chanson.
Des particuliers ou des professionnels recherchent notamment des paroles de chanson. Elles figurent quelquefois sur les pochettes de disque et il existe des sites Internet de « paroles de chansons » mais beaucoup disparaissent pour des raisons de légalité. On trouve des recueils de textes de chanteurs en édition de poche ou publiés par les éditions Christian Pirot.
Certaines des demandes débouchent sur des copies de chansons qui sont réalisées à titre onéreux à des conditions drastiques : il faut que le phonogramme ne soit plus dans le commerce, que les demandeurs fournissent les autorisations de la Sacem-SDRM et de la maison de disque. Il est souvent possible de rediriger les interlocuteurs sur les nombreux disquaires spécialisés et d’occasion qui existent dans les grandes villes. En l’absence d’outils adéquats et parce que les titres des chansons ne sont pas toujours significatifs, les demandes les plus difficiles à satisfaire demeurent les recherches thématiques : chanson sur l’eau, sur le Tour de France, le téléphone…

Bibliographie

Borowice, Yves
Chanson et histoire : quelques principes de méthode à partir de l’exemple des années 30 in Séminaire interdisciplinaire chanson 1998-1999, Observatoire musical français, Paris 4 (Série Conférences et séminaires n°8, 2000), pages 67 à 84.

Coulié, Jean-Claude
Discographie des artistes de la chanson d’expression française -6 volumes, 2006. Art & chansons (19, rue Vignemale – 31170 Tournefeuille)

Revue de la Bibliothèque nationale de France n°16 : La chanson française, 2004

Bertrand Bonnieux
Conservateur au Département de l’audiovisuel de la Bibliothèque nationale de France

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