Documentation professionnelle

1. Compte-rendu général du congrès par Elizabeth Giuliani

La Conférence annuelle de l’Association internationale des bibliothèques, archives et centres de documentation musicaux, s’est tenue à Varsovie, Pologne, du 10 au 15 juillet 2005. Elle était organisée par la branche polonaise de IAML et se tenait dans les locaux de la Bibliothèque nationale.
La qualité du lieu et de l’organisation, un nombre important de participants, des concerts et des visites ont participé à la réussite de cette conférence 2005.

La délégation française comptait 25 participants sur 283 inscrits. Les pays du nord de l’Europe ont fourni les plus forts contingents.
Des élections ont eu lieu dans chacune des instances structurant le travail de l’association : branches professionnelles et commissions spécialisées. A l’issue de ces élections, plusieurs membres du Groupe français de l’AIBM sont présents pour les 3 prochaines années :
Anne Le Lay (Conservatoire national de région de Boulogne-Billancourt) : présidente de la branche professionnelles des bibliothèques de conservatoires et établissements d’enseignement (renouvelée)
Christiane Kriloff (Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon) : vice-présidente de la commission pour la formation professionnelle (renouvelée).
Elizabeth Giuliani (BnF, département de l’Audiovisuel) : présidente de la commission des documents audiovisuels.
Marguerite Sablonnière (BnF, département de la Musique) : secrétaire de la branche professionnelle des archives et centres de documentation musicaux.
Corinne Brun : secrétaire de la branche professionnelle des bibliothèques publiques.

Aucune problématique générale ne fédérait le programme scientifique des réunions de travail, mais, comme depuis plusieurs années, il était une fois encore largement lié à l’introduction des nouvelles technologies dans l’ensemble des activités bibliothéconomiques.

L’importance de la musique dans la conscience nationale polonaise explique la seconde dominante de cet ensemble de sessions de travail.

1. L’impact des nouvelles technologies

Séance d’ouverture et d’information (le lundi 11 juillet matin)

Il est devenu d’usage d’inaugurer les travaux de la conférence annuelle par l’exposé rapide de diverses nouvelles intéressant la documentation musicale. Ainsi cette année ont tour à tour été évoqués :

  • un premier bilan d’un questionnaire, diffusé via les branches nationales de IAML, sur les contextes législatifs et réglementaires qui contraignent l’activité des bibliothèques, archives et centres de documentation musicaux ;
  • la nouvelle version de la base du RISM disponible en ligne ;
  • la mise à jour de l’ISMN en lien avec la révision de l’ISBN effective en 2007 (visant à le faire passer de 10 à 13 caractères) et l’avenir du Répertoire international des éditeurs de musique (fin de la version papier au profit de la seule version en ligne), tels qu’ils ont été abordés lors de la réunion à Zagreb, en mai, des 46 agences régionales ;
  • le projet de base de données en ligne (un prototype est disponible sur le site de la Bibliothèque nationale) des documents liés aux concerts (matériels d’orchestre et de chœurs notamment), préparée en Nouvelle-Zélande en lien étroit avec les compositeurs et éditeurs qui diffusent ces matériels ;
  • une perspective de catalogue des ressources sur la musique russe disponibles au niveau international
  • la base des archives sonores (60 000 enregistrements constituant une collection autonome depuis 1948) entreprise à la bibliothèque nationale et à la bibliothèque de l’Université de Ljublijana par la numérisation des 78 t et l’utilisation du système bibliographique Corbiss pour gérer des données descriptives en Dublin Core ;
  • le programme de la British library (l’un des 6 projets du JISC) pour mettre en ligne un ensemble de documents sonores selon divers axes documentaires : les quatuors de Beethoven, la musique populaire britannique, les collectes en Afrique du Sud menées par David Rycroft, celles en Ouganda de Klaus Wachsmann, l’histoire orale du jazz au Royaume-Uni, les témoignages d’écrivains africains, des entretiens avec des peintres et des photographes, des bruits et paysages sonores, des entretiens avec des professionnels de l’enregistrement ;
  • une base de données localisant tous les autographes de Schubert (classés Mémoire du monde par l’Unesco) ;
  • la constitution d’un catalogue national des manuscrits musicaux en Italie par la « scannérisation » des fichiers manuels et l’ajout d’une indexation.

Commission de catalogage

Une première séance, mardi 12 juillet en début d’après-midi, était centrée, comme c’est le cas quasi général désormais, sur les métadonnées. Un fort écart séparait les deux interventions.
L’une très méthodologique, voire philosophique, par Patrick Le Bœuf de la BnF, analysait les concepts qui sous-tendent le modèle FRBR appliqué aux entités musicales et, en particulier, aux œuvres. Elle montrait que tous les systèmes de description bibliographique mettent en jeu des idéologies et que les FRBR ne font pas exception.
L’autre, abusivement rangée sous la bannière des métadonnées, consistait en une proposition de contrôles automatiques à associer au formulaire en ligne servant à saisir les notices et résumés des publications recensées dans le RILM.

Une seconde séance, le jeudi 14 juillet au matin : après une présentation « classique » du catalogue collectif des bibliothèques d’étude et de recherche en Pologne, était engagée une discussion autour de l’avenir des outils conceptuels du catalogage à l’heure de la modélisation. Pour le moment le lien n’est pas fait entre cette réflexion et les pratiques courantes.

Branche professionnelle des bibliothèques publiques

Lors de la séance du mardi 12 juillet en fin de matinée, ont été abordés les nouveaux services en ligne mis à la disposition du public des bibliothèques scandinaves. Ainsi les bibliothèques danoises (110 établissements, bibliothèques publiques et universitaires) proposent à leurs lecteurs un déchargement légal de fichiers musicaux. Cette nouvelle offre vise à compenser la baisse de fréquentation des sections de prêt de disques et à contrecarrer la piraterie. Ce programme entrepris en 2004 est soutenu par les organismes gestionnaires des droits (IFPI, Danish Phonofile, Danisch Copyright) et par le Ministère de la Culture. 110 000 titres sont disponibles, 30 % de musique danoise. Ils sont déchargeables pour 1 jour ou 1 semaine, selon les cas. Le système est contrôlé par Microsoft DRM, les paramètres des fichiers sonores sont 24-7, 192 Kbits. L’objectif est d’atteindre 500 000 déchargements par an. Au Danemark toujours, une offre commerciale comme celle-ci, permet d’accéder à une bibliothèque de 150 000 partitions (SheetMusicNow.com). On peut les afficher ou les imprimer mais non les copier. La méfiance des éditeurs a été levée par les retombées qu’ils attendent en terme de diffusion et surtout de connaissance du marché (un module statistique est lié au système). Enfin, un service d’animation auprès des jeunes lecteurs a été mis en place à Essen, visant à présenter de manière active (en s’aidant du personnage de Mozart) et la bibliothèque et la musique.

Commission de formation professionnelle

Le mercredi 13 juillet, matin, Christian Massault responsable de la filière musique à Mediat, fit un tableau lucide des difficultés, en France, à mettre en place et animer un circuit de formation professionnelle adaptée au personnel en charge de collections musicales. Il a présenté les cursus qui demeurent actifs associant université et centres régionaux de formation.

A l’Université d’Indiana, qui détient le département de musicologie le plus important des Etats-Unis (1500 étudiants et une bibliothèque spécialisée de plus de 600 000 titres) a été construit un cursus de formation prenant en compte le développement considérable des nouvelles technologies dans les savoir faire des documentalistes comme dans les usages des chercheurs, familiers de Google.

Branche professionnelle des archives et centres de documentation

Le jeudi 14 juillet, matin, Marie-Gabrielle Soret a décrit le contexte dans lequel est en train de se réaliser la conversion rétrospective des fichiers et présenté la prochaine migration des données du département de la Musique d’Opaline vers BN Opale+.
Puis a été lue l’intervention d’un membre de la New York Public Library sur une entreprise analogue de migration de données : en EAD des fonds d’archives.

Enfin, le catalogue unifié des fonds musicaux (partitions et documents sonores) relatifs à la région du Nord Ouest Pacifique des Etats-Unis (réunissant les états de Washington, d’Alaska, d’Oregon et d’Idaho) a été montré dans ses aspects documentaires : l’ensemble des sources antérieures à 1923 et, ainsi, libres de droit, faisant une part importante à l’édition de musique populaire ; fonctionnels : affichage de la page de titre, notice bibliographique complète, index des incipit ; techniques : système Contentdm, XML, Z 3950, OAI, WorldCat, Query API.

Commission des documents audiovisuels

Sa seconde séance, le vendredi matin 15 juillet, permettait la confrontation de deux mondes de l’archivage audiovisuel de la musique. L’un, nanti, était celui des expositions virtuelles disponibles sur Internet. Il était étudié à la lumière de l’activité en la matière de la Bibliothèque royale de Copenhague. L’autre, sans moyens, était celui du programme, amorcé avec ses élèves par un compositeur et musicologue nigérian, pour enregistrer sur cassettes vidéo VHS les pratiques musicales traditionnelles qui survivent encore au Nigeria.

2. La musique comme ciment culturel de la Pologne

Session plénière (mardi 12 juillet, matin)

Comme il est d’usage, celle-ci est entièrement consacrée aux ressources musicales du pays organisateur. Avec la Pologne c’est non seulement un répertoire mais bien une identité culturelle nationale qui était mise en valeur.
Furent présentés les manuscrits autographes de Chopin conservés en Pologne dont certains commencent à être numérisés (les lettres notamment). Ils ont été dispersés pendant la seconde guerre mondiale : certains cachés dans des coffres de banque en France, Royaume-Uni. Une bonne partie est revenue en 1959 mais certains n’ont pas été retrouvés.

L’Institut de musicologie de l’Université de Cracovie possède un centre de documentation autour de Paderewski et ses propres documents et archives : bibliothèque (contenant peu d’ouvrages sur la musique mais de nombreux livres d’histoire, notamment sur Napoléon) et discothèque personnelles, partitions et manuscrits musicaux, photographies et articles de presse concernant autant son activité artistique que son activité politique. Le Centre prépare un agenda complet de tous ses concerts et l’édition monumentale de son œuvre.

Une ethnomusicologue et historienne de l’art, à l’Académie des Sciences de Varsovie, a proposé un parcours dans la culture polonaise en analysant l’évolution de la mazurka (version rapide) et de la polonaise (version lente) : de figures rythmiques (—-) repérables dès le XVIe siècle (adaptées d’un rythme tchèque à la prosodie de la langue polonaise), elles deviennent des danses à partir du XVIIe siècle puis constituent un emblème national au XIXe siècle, inscrites dans la création musicale par Chopin.

Branche professionnelle des archives et centres de documentation

Le lundi 11 juillet en fin de matinée, étaient présentés certains fonds d’archives intéressant la musique polonaise et des initiatives pour les diffuser. Ainsi un projet international (basé à Londres et soutenu par la Fondation Melon) de mise en ligne des éditions de l’œuvre de Chopin afin, d’une part, de rendre disponibles pour la recherche les différentes sources et, d’autre part, d’en permettre l’étude critique par la mise à disposition de fonctionnalités avancées de consultation permettant la comparaison par juxtaposition, surimpression, interpolation des informations.

Commission des documents audiovisuels

Lors de sa première séance, le mardi 12 juillet en fin d’après-midi, intervint la présentation des collections sonores de la Bibliothèque nationale polonaise sous deux aspects. D’une part un exposé détaillant les fonds anciens (cylindres, rouleaux de piano mécaniques et 78t) qui comptent des exemplaires de cylindres Edison, 17 disques Berliner et les enregistrements d’artistes polonais de renommée internationale dont Marcelle Sembrich, Josef Hofman et, surtout, Paderewski. Certaines de ces références ont été copiées à partir d’exemplaires de la collection Rodgers and Hammerstein de la New York Public Library. Ensuite fut décrit  le fonds « Polonia » : collecte systématique des enregistrements des artistes polonais émigrés. Des dons et des legs sont la source essentielle de cette collection de 500 documents environ, qui permet de suivre la diffusion géographique (Etats-Unis, Allemagne, France, Canada, Royaume-Uni) et l’évolution chronologique des vagues d’émigration : au XIX et début du XXe siècles les exilés nationalistes, entre les deux guerres les travailleurs sans emploi, puis tous les proscrits du nazisme, enfin, dans les années 80 les partisans de Solidarité. Les personnalités et genres musicaux en sont une image sociale et esthétique très exacte.

En fin de séance, Marie-Hélène Serra et Rodolphe Bailly, faisaient une démonstration du nouveau portail documentaire de la Cité de la musique, associant références bibliographiques, informations musicologiques et consultation multimédia de sons, images et notations.

Elizabeth Giuliani,
Directrice adjointe du Département de l’audiovisuel de la Bibliothèque nationale de France

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